Turquie : des spoliations d’hier aux violences policières d’aujourd’hui
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Depuis le 27 mai, des Stambouliotes de tous milieux sociaux et politiques, de tous âges et de toute la ville poursuivent une résistance pacifique dans Gezi Park, le plus grand parc public d’Istanbul (Turquie).
Les Stambouliotes refusent que Gezi Park soit bientôt démoli au profit du projet de construction d'un grand centre commercial, conçu comme la réplique de la Caserne ottomane de jadis [Nota CVAN : la caserne avait été construite à l’époque par l’architecte arménien Balian].
Ils ignorent peut-être que pendant 370 ans, une portion de Gezi Park a été un cimetière arménien, le cimetière de Pangaltı, considéré comme le plus grand cimetière non-musulman dans l'histoire d'Istanbul. Fondé en 1560, il a été démoli dans les années 1930. En 1939, ses pierres tombales en marbre ont été vendues et utilisées dans la construction du Gezi Parkı Inönü et de la place Eminönü, conçus par l'urbaniste français Henri Proust. Une partie du cimetière de Pangaltı est actuellement occupée de manière extrêmement lucrative par l'Hôtel Divan, l’Hôtel Hilton, l’Hôtel Hyatt Regency, et les bâtiments de la Radio et Télévision turques (TRT).
« Gezi est à nous ! » scandent les militants d’Istanbul. Il est en tous cas partiellement, avec ses alentours, à l’Hôpital arménien Sourp Agop d’Istanbul qui a été spolié comme de nombreuses fondations arméniennes et grecques.
L’histoire des lieux ne pouvant être occultée, des militants progressistes arméniens de Turquie, le groupe de Nor Zartonk, ont choisi la voie de la pédagogie. Installés dans le parc, ils informent les autres manifestants de ce que fut le passé arménien de Gezi Park.
Peut-être ces petites graines semées courageusement inciteront les contestataires turcs et kurdes à se persuader qu'ils ont le devoir d’œuvrer non seulement pour le respect de leur environnement, non seulement contre l'autoritarisme d'Erdogan, mais également pour le retour des propriétés confisquées aux minorités non-turques, suite au génocide de 1915.
Le Collectif VAN a traduit leur appel au secours posté sur internet (à lire après l'histoire arménienne de Gezi Park).
Le cimetière arménien de Pangaltı à Istanbul
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Pendant 370 ans, un cimetière arménien se dressait à Gezi Park
Le cimetière arménien de Pangaltı était situé dans le quartier Pangaltı d'Istanbul près de la place Taksim et appartenait à l'origine à l'hôpital arménien Sourp Agop. Dans les années 1930, il a été démoli et remplacé par l'Hôtel Divan, l’Hôtel Hilton, l’Hôtel Hyatt Regency, et les bâtiments de la Radio et Télévision turques (TRT).
L'histoire du cimetière est bien connue et on la raconte encore souvent à Bolis. Au 16ème siècle, un complot se tramait, visant à assassiner Soliman le Magnifique. Les assassins ont proposé à un cuisinier du sultan, un Arménien de Van, de tuer le sultan. Le cuisinier a refusé, a informé Soliman du complot prévu et lui a donc sauvé la vie. En récompense de la loyauté de son cuisinier, Soliman lui a demandé de choisir un cadeau quel qu'il soit.
Le cuisinier a demandé des terres pour que les Arméniens puissent y enterrer leurs morts. Le sultan a officiellement décerné aux Arméniens une parcelle importante de l'immobilier de Bolis pour qu'ils puissent y construire un lieu de repos éternel pour leurs familles. Ce bien est devenu le cimetière arménien Sourp Hagop, qui - en ce moment-même - est enfoui sous les Hôtels Divan et Intercontinental et sous Gezi Park.
Pangaltı est considéré comme le plus grand cimetière non-musulman dans l'histoire d'Istanbul.
Il a été fondé en 1560, a été agrandi en 1780 et entouré d'un mur en 1853. Le quartier de Pera était très proche du cimetière, et une épidémie de choléra en 1865 a conduit le gouvernement à interdire les sépultures et à les transférer au cimetière arménien de Sisli.
Le cimetière de Pangaltı a été démoli dans les années 1930, et en 1939 ses pierres tombales en marbre ont été vendues et ont été utilisées dans la construction du Gezi Parkı Inönü et de la place Eminönü, conçus par l'urbaniste français Henri Proust.
Procès
En 1932, Mesrob Naroyan, le Patriarche arménien de Constantinople, a intenté un procès pour le retour de la propriété, mais la municipalité d'Istanbul a fait valoir qu'il était une non-entité légale en Turquie depuis 1916 en raison du génocide arménien. Par conséquent, il n'avait pas de titre de propriété, même s'il fonctionnait encore comme Patriarcat arménien de Constantinople à Kumkapi, Istanbul.
Le Patriarcat a reconnu l'absence de titres, mais a fait valoir sa légitimité de représenter le cimetière tout à la fois au nom de la Communauté catholique arménienne et de l'Hôpital arménien Sourp Agop.
La commission d'enquête sur la propriété foncière a estimé les prétentions du patriarche sans fondement, de sorte que le titre est resté à la municipalité d'Istanbul et aux tiers propriétaires.
L’Hôpital arménien Sourp Agop ou Hôpital arménien Saint Jacques (en turc: Sourp Agop Ermeni Hastanesi) est un hôpital dans le quartier Elmadağ de Sisli à Istanbul. Il a été créé en 1837 et la communauté catholique arménienne de Turquie continue à le faire fonctionner. L'hôpital possédait également tous les droits sur le cimetière arménien Pangaltı qui a été détruit dans les années 1930.
L'hôpital a été largement apprécié pour son travail, avant et après la Première Guerre mondiale. Selon l’utilisation des noms des quartiers de l'époque, il était connu comme «L'hôpital Sourp-Agop de Pancaldi au-dessus de Pera.» Les collectes de fonds arméniens pour l'hôpital ont continué après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, c’est un hôpital privé qui s'adresse également à l'Agence turque de sécurité sociale (Sosyal Güvenlik Kurumu - SGK) et continue de servir le public d’Istanbul.
http://en.wikipedia.org/wiki/Pangalt%C4%B1_Armenian_Cemetery
http://en.wikipedia.org/wiki/Surp_Agop_Armenian_Hospital
http://www.armenianweekly.com/2013/06/09/graves-in-the-park-notes-from-the-bolis-uprising/
©Traduction Collectif VAN – 31 mai 2013 – 19:15 - www.collectifvan.org
Lire aussi (en turc):
http://www.agos.com.tr/haber.php?seo=trt-istanbul-radyosunun-arazisi-gecmiste-ermeni-mezarligiydi&haberid=2889
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D'après une information de Markar Esayan publiée dans Taraf et traduite par Charles Vanetzian :
Notons, et c'est plus que symbolique, que le premier monument dédié aux victimes arméniennes de 1915 a été érigé en 1919 dans la zone du Gezi Park, plus précisément autour de l'Hôtel Divan, dans l'actuel jardin de l'établissement militaire Harbiye. Il a été détruit pendant les premières années de la République kémaliste. Sa photographie - avec le titre "Monument du 11 avril" (selon le calendrier julien alors en vigueur dans l'Empire ottoman, le 11 avril correspondait en fait au 24 avril) - est reproduite sur la couverture de la première édition du livre intitulé "Huşartsan", un almanach rédigé par l'écrivain arménien Teodoros Lapcinciyan, dit Teotig.
https://www.facebook.com/note.php?note_id=470344203013968
Organisations internationales des droits de l'homme et chers Amis, camarades, membres de la presse du monde entier,
Ceci est un appel urgent des défenseurs des droits humains, des militants, des ONG, des chambres professionnelles, locales, des associations de quartier et des Stambouliotes.
Depuis le 27 mai, des Stambouliotes de tous milieux sociaux et politiques, de tous âges et de toute la ville poursuivent une résistance pacifique dans Gezi Park, le plus grand parc public de la ville, qui sera bientôt démoli en raison d'un prétendu projet de réaménagement. Ce projet prévoit la construction d'un grand centre commercial (conçu comme la réplique de la Caserne ottomane de jadis) à la place de ces arbres.
http://www.youtube.com/watch?v=RgBRGl341ZA
http://www.bianet.org/english/english/147016-demonstrators-plant-trees-against-destruction-in-taksim-gezi-park
La police est intervenue dans le parc 3 fois, à chaque fois de façon plus violente que les autres:
la première intervention a eu lieu dans la matinée du 28 mai, une foule d'environ 50 manifestants a été aspergée de gaz lacrymogène directement sur les visages.
http://stream.aljazeera.com/story/201305302148-0022796
En solidarité avec les manifestants, des centaines de personnes sont arrivées dans la soirée et le mouvement d'occupation a progressé de plus en plus. Juste après, la seconde intervention est intervenue tôt le matin du 30 mai à 5 h. La police anti-émeute a mis le feu aux tentes et des gaz lacrymogènes et des sprays au poivre ont été utilisés sans discontinuer, causant des blessures graves.
http://www.youtube.com/watch?v=suEVcTIpzxA&list=UUNwGZGYteEB64ywTGCn0w2g&index=2
Face à cette inhumanité et cette violence extrême, la réaction a été l'occupation du parc, cette fois par des milliers de personnes.
Et ce matin, s'est avéré être le point culminant de la violence et de la barbarie qu’aucun mot ne peut décrire, avec une utilisation disproportionnée de la force. La sortie du parc a été bloquée par la police, enfermant ainsi le groupe dans le parc. Les manifestants ont ensuite été pris sous des tirs de gaz lacrymogènes et des bombes au poivre, au risque de mourir étouffés. La seule issue a été de briser les murs et de nombreuses personnes ont été blessées au cours de cette évasion.
À l'heure actuelle, l'intervention brutale contre les manifestants se poursuit. Le groupe a été aspergé de gaz au poivre et de gaz lacrymogènes une fois de plus alors qu’il quittait le lieu après la lecture de son communiqué de presse ! À l'heure actuelle, certains sont à l’Hôtel Divan à Elmadag, après s’y être réfugiés pour échapper à l'effet des attaques au gaz.
La quasi-totalité du quartier de Taksim, où se trouve Gezi Park, est littéralement sous les gaz lacrymogènes et les vapeurs de gaz au poivre, et les rues latérales autour de la place Taksim sont plus particulièrement sous les nuages de gaz.
Chers amis, il nous semble que nous n'avons rien besoin d'ajouter d’autre, les scènes parlent d'elles-mêmes.
La résistance pour la démocratie et les droits humains ne sera pas terminée, nous sommes déterminés à poursuivre notre lutte contre un gouvernement déterminé à écraser chacune des oppositions, un gouvernement qui ne peut même pas tolérer une opposition pacifique destinée à sauver des arbres. Le gouvernement turc actuel a violé toutes les conventions internationales relatives aux droits de l'homme et les mécanismes dont il fait partie.
Votre précieux soutien et votre solidarité renforceront vraiment notre détermination et notre résistance. Partagez s'il vous plaît cette information, désignez, faites honte et blâmez les responsables afin que cette folie et cette brutalité exercées à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme puissent prendre fin grâce à la pression internationale.
APPEL AU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE
C'est aussi un appel au CIO d’éliminer la Turquie de sa liste de 2020.
Si les Jeux Olympiques signifient l’amitié, si les Jeux Olympiques signifient la paix et la camaraderie, ces vidéos sont une preuve suffisante de la façon dont le gouvernement viole les idéaux des Jeux Olympiques. Avoir Istanbul sur la liste équivaudrait à gazer au poivre ces idéaux.
Au nom de la solidarité et de l'amitié.
Mouvements urbains Istanbul / Coalition internationale Habitat
©Traduction Collectif VAN – 31 mai 2013 – 19:15 - www.collectifvan.org
Voir aussi la vidéo Reuters sur Le Monde :
http://www.lemonde.fr/europe/video/2013/05/31/bataille-rangee-entre-police-et-manifestants-autour-d-un-parc-d-istanbul_3421894_3214.html
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