Turquie : solidarité internationale pour « les victimes de génocide »
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La journaliste Tugba Tekerek a interviewé à Istanbul quatre Arméniens de la diaspora, dont deux faisaient partie de la délégation de l’EGAM venue à l’occasion des Commémorations du génocide arménien organisées par l’IHD et DurDe! Elle remarque : « par rapport aux années précédentes, c’est une commémoration du 24 avril très différente, avec une solidarité internationale. » Séta Papazian, Présidente du Collectif VAN, membre de cette délégation antiraciste, a été brièvement interviewée à l’issue des commémorations. Le Collectif VAN vous propose la traduction de cet article en turc paru dans le journal progressiste de Turquie, Taraf, le 25 avril 2013.
Légende : Séta Papazian, Présidente du Collectif VAN, et Georgi Ambarzumjan (UGAB - Allemagne), membres de la délégation EGAM/UGAB/DurDe/IHD qui comprenait aussi des représentants de SOS Racisme et de l'UEJF, ont été interviewés à Istanbul par le journal progressiste turc Taraf.
Journal Taraf
Tugba TEKEREK - 25.04.2013
Lorsque j’ai vu
les Turcs, j’ai failli pleurer
Des centaines de
personnes de défenseurs de droits de l’homme se sont réunis à Istanbul pour
commémorer les victimes de génocide : ici nous commémorons un monde disparu en
1915, 1,5 million d’Arméniens ont été tués.
Anahit, 82 ans, est venue de France. Elle raconte sans
s'arrêter. Son passé, ses parents, le génocide.
Elle ne veut pas donner son nom de famille. Elle a été élevée dans la peur. Enfant, sa
mère lui a conseillé « ne parle pas
en arménien, ne montre pas que tu es Arménienne, ils te jetteront par la
fenêtre et diront que tu es tombée ». Son amie arménienne, à qui elle
allait rendre visite en Turquie pour deux semaines, a hésité à aller à la
commémoration du 24 avril. « Mais comment
les Turcs sont-ils venus en prenant autant de risques ? »
dit-elle dans un état second. A la commémoration sur la tombe du gouverneur de
Kutahya, Faik Ali Ozansoy, « quand
j’ai vu les Turcs là-bas, j’ai failli pleurer » dit-elle.
En fait, les Turcs ont commencé à prendre ces risques depuis
déjà 5 ans. Je me rappelle la première commémoration, [ils étaient] pleins
d'inquiétude et le cœur plein de palpitations. Après la première édition pour la
commémoration du 24 avril qui s’est propagée dans différentes villes en Turquie,
les évènements sont dorénavant organisés dans les différentes villes durant
plusieurs jours. Et ce qui est nouveau cette année, c’est la participation aux
côtés des défenseurs des droits de l’homme de Turquie, d’une délégation
internationale de militants contre le nationalisme, et de plusieurs Arméniens
venus de l’étranger.
Première
commémoration au cimetière
La première manifestation organisée pour le 98e
anniversaire du 24 avril, reconnu comme le début des massacres des Arméniens, a
lieu au cimetière Zincirlikuyu sur la tombe de Faik Ali Ozansoy, gouverneur de
Kutahya. Sur la tombe d’Ozansoy qui a refusé d’appliquer la décision des massacres
et qui a sauvé la vie de milliers d'Arméniens, l’historien Ara Sarafian, Président
de l’Institut Gomidas, venu de Grande Bretagne parle.
Apres avoir dit « Mes grands-parents aussi ont été sauvés grâce à Faik Ali Ozansoy »,
Sarafian arrose les fleurs de la tombe. Il y a 23 personnes qui font partie de
la délégation internationale, la plupart des jeunes, de diverses nationalités
et ethniquement différents.
Par rapport aux années précédentes, c’est une
commémoration du 24 avril très différente, avec une solidarité internationale.
Devant le musée des Arts turcs et islamiques, pendant la commémoration,
une jeune femme Rom, Oana Mihalache, avec
laquelle nous avons parlé, nous a dit : « Ce
n’est pas bien connu, mais les Roms ont aussi été victimes du génocide avec les
Juifs. Aujourd’hui, nous avons le même combat que les Arméniens pour le
génocide et contre sa négation.»
«Pleine d’espoir
et triste»
Quand j’ai demandé ses sentiments à l'Arménienne Séta
Papazian [Nota CVAN : Présidente du Collectif VAN], venue de France, elle
a répondu « [mes sentiments] sont
intenses et multiples, je suis à la fois pleine d’espoir et triste »,
mais elle veut couper court à la phase sentimentale. « Nous sommes ici pour des raisons politiques » dit-elle
et commence à expliquer : « C’est
notre pays où sont morts 1,5 millions d’Arméniens, nous sommes venus pour
commémorer un monde perdu. Au 21e siècle, il ne peut y avoir d’écoles Talaat
Pacha, ni des avenues Talaat Pacha [Nota CVAN : Talaat Pacha est le
« Hitler » turc]. Comment
pouvez-vous présenter les assassins comme des héros ? Votre héros devrait
être par exemple Faik Ali Bey ».
Les amis de la vérité
Un étudiant en droit, Georgi Ambarzumjan, un autre
Arménien de 26 ans faisant partie de la délégation, répond à la question « comment te sens-tu ? » :
« C’est magnifique d’avoir des amis. Pas des amis des Arméniens, mais des
amis de la vérité. Ce n’est pas une affaire entre Arméniens et Turcs, c’est une
affaire entre le bien et le mal ». Et quand on lui demande ses
attentes pour 2015, il répond « 2015
n’a pas tant d’importance pour moi. Ce qui est important, c’est la liberté
d’expression des gens. Que les gens puissent faire, sans avoir peur, des
recherches sur le passé et en parler ».
Traduction du turc H.E. et N.A.T pour le Collectif VAN
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