Turquie : les réformes juridiques ne répondent pas aux attentes
Info Collectif VAN
- www.collectifvan.org – Le Collectif VAN vous invite à lire cette information
publiée sur ls site de l'Amnesty International le 30 avril 2013.
Légende photo : La
réforme juridique est une nouvelle occasion manquée pour le gouvernement de
présenter une véritable réforme en matière de droits humains.
© Amnesty
International
Turquie : les
réformes juridiques ne répondent pas aux attentes en ce qui concerne la liberté
d'expression
Amnesty International
30 avril 2013
La condamnation en avril de Fazıl Say, un pianiste turc,
pour « insulte aux valeurs religieuses »
n'est que la partie émergée de l'iceberg, qui laisse augurer de la manière dont
les autorités turques pourraient appliquer une nouvelle série de réformes
pouvant potentiellement limiter la liberté d'expression, a souligné Amnesty
International.
Le « quatrième paquet judiciaire », un projet de loi de
réforme confirmé lundi 29 avril par le président de la Turquie et adopté mardi
30 avril, n'atteint pas l'objectif déclaré du gouvernement de rendre la
législation turque conforme aux normes internationales en matière de droits
humains, notamment à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme relative à la liberté d'expression.
« Cette réforme juridique restera dans les livres d'histoire
comme une énième occasion manquée pour le gouvernement de présenter une
véritable réforme en matière de droits humains, a déclaré John Dalhuisen,
directeur du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.
« C'est un petit pas dans la bonne direction, mais encore
bien en deçà des obligations internationales de la Turquie sur le plan des
droits humains et de ce que le peuple turc attend de ses législateurs. »
Amnesty International pense que cet ensemble de réformes
permettra que les procès abusifs continuent et exposera donc encore plus de
militants politiques, de journalistes et de défenseurs des droits humains à des
peines de prison pour avoir mené leurs activités.
Besoin de mesures
urgentes
L'organisation engage le gouvernement à abroger la
disposition relative à l'« insulte aux valeurs religieuses », utilisée contre
le pianiste Fazil Say, qui a été condamné à 10 mois de prison avec sursis pour
avoir publié des commentaires jugés insultants sur Twitter. Elle souhaite
également l'abrogation de l'article 301 du Code pénal relatif au « dénigrement
de la nation turque » et de l'article 125 réprimant la diffamation. Aucune de
ces trois dispositions ne figurait dans les récentes réformes du gouvernement.
« La condamnation du pianiste Fazil Say pour “insulte aux
valeurs religieuses” montre bien le besoin de changer les lois dépassées et
restrictives de la Turquie, a ajouté John Dalhuisen.
« Il ne suffit pas que le gouvernement affirme que le
processus de réforme est en cours ; il faut prendre maintenant des mesures
urgentes. »
Risque d'abus
Amnesty International relève que plusieurs autres articles du Code pénal modifiés dans le cadre du paquet de réformes pourraient encore donner lieu à des abus, qui entraîneraient de nouvelles violations du droit à la liberté d'expression.
Il s'agit notamment de l'article 215, qui condamne l'« éloge
d'un crime ou d'un criminel », et de l'article 318 portant sur le fait de «
susciter l'hostilité de la population à l'égard du service militaire » – que
l'organisation souhaite voir abrogés tous les deux.
Le paquet de réformes modifie aussi deux articles de la Loi
antiterroriste : l'article 6-2 relatif à « l'impression ou la publication de
déclarations ou de propos d'organisations terroristes » et l'article 7-2
portant sur la « propagande en faveur d'une organisation terroriste ». En vertu
des réformes, seules les déclarations caractérisées par la contrainte, la
violence ou les menaces peuvent faire l'objet de poursuites au titre de ces
dispositions. Cependant, bien que les modifications proposées restreignent les
infractions visées et puissent donc empêcher certains des abus constatés par le
passé, elles sont encore trop vagues car elles incluent les concepts flous de
contrainte et de menaces sans indiquer de lien avec la violence.
Selon les normes internationales, seules les personnes
faisant des déclarations qui s'apparentent à de la propagande en faveur de la
guerre ou à toute autre sorte d'apologie de la violence peuvent être
poursuivies.
Amnesty International demande aux autorités turques de
modifier l'article 7-2 conformément aux normes internationales et de supprimer
l'article 6-2, qui ne prévoit pas de poursuites légitimes à part celles visées
à l'article 7-2.
Les modifications empêchent en revanche l'utilisation de ces
articles et de certaines infractions prévues par la Loi relative aux
manifestations conjointement avec l'article 220-6 du Code pénal portant sur le
fait de « commettre une infraction pour le compte d'une organisation terroriste
», qui permet de sanctionner des personnes comme si elles étaient membres d'une
organisation terroriste.
Cette modification est bienvenue car elle devrait empêcher
certains des procès abusifs pour « infraction pour le compte d'une organisation
terroriste », au cours desquels des personnes ont notamment été jugées et
condamnées pour avoir légitimement exprimé des opinions divergentes, en
particulier au sujet des droits et de la politique kurdes, à travers des
discours, en participant à des manifestations et en s'associant avec certains
groupes et organisations politiques reconnus.
Cependant, elle ne résout pas le problème plus vaste des
poursuites similaires engagées pour « appartenance à une organisation
terroriste » au titre de l'article 314 du Code pénal ou d'autres dispositions
liées.
Amnesty International prie instamment les autorités turques
de supprimer le chef d'« infraction pour le compte d'une organisation
terroriste » et de traiter les abus plus vastes commis dans le cadre des
poursuites pour terrorisme en modifiant la définition trop large et vague du terrorisme
afin qu'elle soit conforme aux normes internationales.
« Les lois formulées de manière excessivement large et vague
qui sont appliquées en violation du droit à la liberté d'expression ne sont pas
un fait nouveau en Turquie. Les législateurs du pays auraient dû y mettre fin,
a indiqué Andrew Gardner, spécialiste de la Turquie au sein d'Amnesty
International.
« Ce projet de loi de réforme a fourni aux autorités turques
une occasion de faire cesser les poursuites à l'encontre de personnes pour
appartenance à une organisation terroriste fondées simplement sur le fait
qu'elles ont écrit un livre ou donné une conférence soutenant soi-disant les
objectifs d'une organisation terroriste. Doit-on maintenant comprendre que le
gouvernement veut que ces poursuites abusives continuent ?
« Il est essentiel de mettre fin aux poursuites abusives et
inéquitables engagées au titre des lois antiterroristes pour parvenir à la paix
et la justice en Turquie. »
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