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mardi, mai 21, 2013

Turquie : le héros arménien de Gallipoli

Info Collectif VAN - www.collectifvan.org – « Confronté à l’anniversaire, bientôt centenaire, du génocide d’un million et demi d’Arméniens, hommes, femmes, et enfants par les Turcs ottomans en 1915, le gouvernement de Turquie se prépare à noyer la mémoire des massacres d’Arméniens dans des cérémonies commémorant la victoire turque sur les Alliés à la bataille de Gallipoli qui eut lieu la même année. Dès à présent les spécialistes, favorables au pouvoir, ont fait de leur mieux pour ignorer la présence de milliers de soldats arabes au sein de l’armée turque à Gallipoli – et font d’un officier arménien de l’armée turque, qui avait été décoré pour sa bravoure à Gallipoli, un menteur qui a fabriqué son autobiographie lui-même. (…) Le nationalisme turc s’apprête à donner sa version de l’histoire dans deux ans. Cependant, les descendants de ceux qui sont morts dans les troupes Anzac à Gallipoli, pourraient demander à leurs hôtes en 2015 pour quelle raison ils n’honorent pas ces braves Arabes et Arméniens - dont le capitaine Torossian - qui combattaient dans les rangs de l’Empire ottoman. » Le Collectif VAN vous invite à lire la traduction de Gilbert Béguian d'un article en anglais de Robert Fisk publié sur le site Indepedent, mise en ligne sur le site de NAM ( Nouvelles d'Arménie Magazine) le 21 mai 2013.

NAM

REVUE DE PRESSE

Le héros arménien que les Turcs préféreraient oublier

Robert Fisk

Indepedent

12 mai 2013

Le héros arménien que les Turcs préféreraient oublier

L'officier arméno-turc Torossian s’est vu décerner des médailles par Enver Pacha


Rappelons-nous le capitaine Torossian. Confronté à l’anniversaire, bientôt centenaire, du génocide d’un million et demi d’Arméniens, hommes, femmes, et enfants par les Turcs ottomans en 1915, le gouvernement de Turquie se prépare à noyer la mémoire des massacres d’Arméniens dans des cérémonies commémorant la victoire turque sur les Alliés à la bataille de Gallipoli qui eut lieu la même année. Dès à présent les spécialistes, favorables au pouvoir, ont fait de leur mieux pour ignorer la présence de milliers de soldats arabes au sein de l’armée turque à Gallipoli – et font d’un officier arménien de l’armée turque, qui avait été décoré pour sa bravoure à Gallipoli, un menteur qui a fabriqué son autobiographie lui-même.

En fait, le capitaine Sarkis Torossian avait été personnellement médaillé pour son courage par Enver Pacha, le ministre turc de la guerre, l’homme le plus puissant dans la hiérarchie ottomane. Le plus grand héros de Gallipoli, c’est Mustapha Kemal, qui a fondé, sous le nom d’Atatürk, l’Etat turc moderne. Mais au regard de quelques-uns en Turquie, parmi les historiens les plus en vue, qui voudraient transformer Torossian en fraudeur, le mot ’moderne’ devrait être sans doute être mis entre guillemets.

Et maintenant, ces universitaires vont jusqu’à soutenir que le capitaine arménien a inventé les deux médailles reçues d’Enver. Par contre, l’un des historiens les plus décriés pour avoir totalement reconnu le génocide de 1915, Taner Akçam, a retrouvé les descendants de la famille Torossian en Amérique, rencontré son petit-fils, et examiné les deux diplômes des médailles ottomanes dont l’un porte la signature originale d’Enver.

La Turquie, comme on le sait, veut adhérer à l’UE. Il m’arrive moi-même de penser, incidemment, qu’elle devrait y adhérer. Mais comment pouvons-nous dire, nous Européens, que le monde musulman veut rester ’en dehors’ de nos ’valeurs’ lorsqu’un pays musulman entier veut partager notre société européenne ? Nous sommes définitivement des hypocrites. En outre, comment la Turquie peut-elle encore espérer adhérer à l’Union Européenne alors qu’elle refuse encore de reconnaître la vérité du génocide arménien - et cristalliser cette négation jusqu’à s’en prendre à un officier ottoman mort depuis longtemps ? Le fantôme de Dreyfus serait-il à l’œuvre dans cette circonstance ? Aussi longtemps que le gouvernement turc battra le tambour de Gallipoli en 2015, le fantôme de Torossian hantera les champs de bataille de Gallipoli de 1915.

Ses mémoires, “Des Dardanelles à la Palestine“, ont été publiées à l’origine à Boston en 1947. Ayhan Aktar, professeur de sciences sociales à l’Université Bilgi d’Istanbul, avait pris connaissance de ce livre il y a vingt ans et avait été étonné d’apprendre - étant donné la tentative de la Turquie d’annihiler la population arménienne entière en 1915 - qu’il y eut des officiers d’ascendance arménienne combattant pour les Ottomans. Les huit mois de la bataille de Gallipoli - un débarquement allié conçu par Winston Churchill, dans les détroits des Dardanelles dans l’espoir d’occuper Constantinople, aujourd’hui Istanbul, la capitale ottomane et de contourner le verrou des tranchées du front à l’ouest - ont été désastreux pour les Britanniques et les Français, et la masse des troupes australiennes et néo-zélandaises (les forces Anzac) qui combattait avec eux. Ils abandonnèrent les têtes de pont sur les plages en janvier 1916.

Dans son livre, Torossian raconte les combats féroces de Gallipoli et les autres combats auxquels il a pris part - jusqu’à ce qu’il découvre sa sœur, vers la fin de la Grande Guerre, parmi les réfugiés arméniens des convois de la mort vers la Syrie et la Palestine. Il s’était dès lors enrôlé dans les forces alliées, rencontrant sans l’apprécier T.E. Lawrence d’Arabie - l’appelant simplement “ trésorier-payeur “ - avant de retourner en Turquie avec les Français. Il s’était rendu finalement aux USA pour y finir ses jours.

Le courageux professeur Aktar, cependant - relevant de ses collègues « le manque de volonté à reconnaître qu’Arabes et Arméniens aient combattu dans l’armée ottomane » - décida de publier le livre de Torossian en langue turque. Ce livre fut favorablement accueilli jusqu’à ce que deux historiens de l’Université Sabanci ne prennent l’œuvre d’Ayhan Aktar comme une insulte. Le docteur Halil Berktay, par exemple, a écrit sur 13 colonnes dans “Taraf“ pour démontrer que le livre est entièrement une fiction, et que Torossian est un menteur, une opinion qui correspond à ce qu’Aktar appelle “un assassinat de personnage“. “C’est le ’document traumatisant’ d’un officier arménien intégrationniste qui a combattu pendant la (Première) guerre (Mondiale)“, a déclaré Aktar. “Mais sa famille avait été déportée dans les déserts de Syrie en dépit du fait qu’Enver Pacha (le ministre de la guerre et l’homme le plus puissant dans la hiérarchie ottomane) avait clairement donné des ordres aux gouverneurs locaux de ne pas déporter les “familles“ des officiers.

Les Arméniens de rang subalternes de l’armée ottomane avaient été désarmés et massacrés dans le cadre du génocide, au cours duquel les femmes ont été systématiquement violées par les soldats et les gendarmes turcs, ainsi que par leurs miliciens circassiens et kurdes. Churchill en a référé aux massacres comme à un ’holocauste“. Taner Akçam, l’historien turc qui a retrouvé le petit-fils de Torossian, avait été sidéré par la réaction à l’édition turque du livre ; “unecritique, dit-il, est allé jusqu’à prétendre que l’officier arménien n’avait pas existé“. Le livre, avec l’introduction d’Aktar, ouvre une brèche dans la thèse dominante en Turquie tendant à présenter la guerre de Gallipoli comme une guerre des Turcs. Comme le montre Aktar dans son introduction, non seulement Torossian et d’autres Chrétiens eurent un rôle important à Gallipoli, mais quelques-unes des unités militaires étaient composées aussi d’Arabes “.

Le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu qui a parlé il y a deux ans à Gallipoli, a rendu compte avec une parfaite franchise de la façon dont la Turquie prévoyait de définir le génocide arménien pour son centième anniversaire. “Nous allons faire connaître 1915 à travers le monde entier“, a-t-il dit, “ non comme l’anniversaire d’un génocide que quelques-uns prétendent et calomnient (sic), mais nous allons le faire connaître comme la glorieuse résistance d’une nation - autrement dit, la commémoration de notre défense à Gallipoli“.

C’est ainsi que le nationalisme turc s’apprête à donner sa version de l’histoire dans deux ans. Cependant, les descendants de ceux qui sont morts dans les troupes Anzac à Gallipoli, pourraient demander à leurs hôtes en 2015 pour quelle raison ils n’honorent pas ces braves Arabes et Arméniens - dont le capitaine Torossian - qui combattaient dans les rangs de l’Empire ottoman.

Article en anglai :

http://www.independent.co.uk/voices/comment/the-armenian-hero-turkey-would-prefer-to-forget-8612890.html

mardi 21 mai 2013,
Stéphane ©armenews.com

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Traduction Gilbert Béguian

Correction Collectif VAN

http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89745