« Loups Gris, haine en ligne, négationnisme en milieu scolaire, entrisme électoral : l’État turc agite ses relais en France » - PARTIE 1
Info Collectif VAN - collectifvan.blogspot.com – Le lundi 8 février 2021, se sont tenues dans les salons de l’Hôtel de Ville de Paris, les « Assises nationales de la lutte contre le négationnisme » qui sont organisées depuis 2010 à l’initiative de Frédéric Encel et Paris School of Business, en partenariat avec la LICRA, le Mémorial de la Shoah, Conspiracy Watch, DILCRAH, Paris School of Business Alumni, et dont le thème cette année était « 20 ans après la loi de reconnaissance du génocide arménien : bilan et perspectives ». Le Blog du Collectif VAN publie ici la première partie de l’intervention du Collectif VAN [Vigilance Arménienne contre le Négationnisme] qui a participé au panel de 15h aux côtés d’Alexis GOVCIYAN, Maire-adjoint du 9è arr. de Paris, Patrick KLUGMAN, Avocat, Valérie IGOUNET, historienne spécialiste du négationnisme, et Vincent NIORE, Avocat et vice-Bâtonnier du Barreau de Paris.
11e Edition des « Assises nationales de la lutte contre le négationnisme »
Lundi 8 février 2021 - Hôtel de Ville de Paris
Séta PAPAZIAN, Présidente du Collectif VAN [Vigilance Arménienne contre le Négationnisme]
PARTIE 1
(PARTIE 2 à lire ICI)
« De par son caractère purement déclaratif (« La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »), et son absence de portée normative, la Loi du 29 janvier 2001 laisse le champ libre à une expression négationniste, totalement en roue libre sur internet et les réseaux sociaux, ces vecteurs n’existant pas ou peu en 2001. La particularité du négationnisme visant le génocide arménien est qu’il est amplement encouragé, si ce n’est diligenté, par des Etats, en premier lieu et historiquement, par la Turquie, auteur impuni du Crime de 1915, et depuis la chute de l’URSS, par l’Azerbaïdjan, République turcophone alliée d’Ankara, qui professe un racisme anti-arménien virulent au plus haut niveau de l’Etat.
Tant Ankara que Bakou ont des relais de poids en France, qu’il s’agisse de la myriade d’associations turques qui émaillent le territoire et qui sont en majeure partie totalement dévouées à Erdogan, ou d’élus locaux et parlementaires français qui relayent sans complexe la propagande mensongère officielle de ces deux autocraties. De nombreuses enquêtes journalistiques ont révélé l’impact de la corruption azérie dans les instances européennes. Erdogan agite quant à lui devant l’Union européenne le chiffon rouge des 3 millions de réfugiés qu’il retient en Turquie, rendant Bruxelles excessivement conciliante face à toutes ses provocations. Alors que le président turc a béni le 10 décembre 2020 à Bakou la mémoire d’Enver Pacha, l’un des principaux instigateurs du génocide arménien, où en est-on sur le terrain de la négation du génocide arménien, 20 ans après la loi ?
Le constat que le Collectif VAN dresse est alarmant : en deux décennies, la négation du génocide arménien et la violence haineuse envers les descendants des rescapés de 1915 sont devenues exponentielles en France, comme c’est le cas partout en Europe et aux Etats-Unis. Chez ceux qui affichent fièrement une identité turque basée sur un nationalisme exacerbé, les déclarations toxiques dans l’espace public, que cet espace soit ou non virtuel, semblent être devenues la norme. Hormis les propos négationnistes qui leur sont opposés, les Arméniens sont traités de bactéries, de parasites, de Sida, et désormais de Coronavirus, par une "journaliste" qui n'hésite pas à afficher sa dévotion irrationnelle pour Erdogan, soit par de faux-comptes Twitter s'affichant comme "arméniens", à l'instar de @antibacteries. Selon ces affidés d'Ankara, leurs insultes (racistes) ne seraient adressés qu'aux "extrémistes" arméniens, mais ce qualificatif regroupe en fait tous ceux qui demandent la reconnaissance du génocide.
Les menaces et pressions contre ceux qui – au sein de la communauté turque - s’opposent courageusement à la doxa négationniste et islamo-nationaliste, contraignent souvent ces progressistes à jeter l’éponge ou du moins à opter pour plus de discrétion. Parmi les populations originaires de Turquie, seuls restent réellement et ouvertement solidaires des Français d’origine arménienne, les militants kurdes, eux-mêmes soumis aux attaques violentes des pro-Erdogan qui les assimilent à des « terroristes du PKK ».
1. Manifestations de haine et agressions contre les Arméniens
Après
la loi, le premier événement marquant se tient en 2004 : cinq Français
d'origine arménienne animant devant la Mairie de Valence (Drôme), un
stand d'information sur le génocide arménien et la Turquie en Europe, sont violemment
frappés par une vingtaine de Turcs munis de bouteilles en verre, qui vocifèrent :
« nos
grands-parents vous ont massacrés, on va continuer le travail ».
Les agresseurs menacent les militants arméniens « on va tous vous
brûler » et profèrent des injures racistes. Au-delà des nombreuses
séquelles physiques, c’est un énorme choc psychologique pour les descendants de
rescapés du génocide confrontés à l’inimaginable.
Le verdict, rendu deux ans après, condamne deux des inculpés à 1€ symbolique, avec
dispense de peine, alors que 4 et 6 mois de prison avec sursis avaient été
requis.
C’est à Lyon que se tient le 18 mars 2006, avec l’autorisation du Préfet, la première manifestation négationniste d’ampleur, rappelant les défilés de miliciens fascistes.
18 mars 2006 : 3000 manifestants défilent dans le centre de Lyon dont de nombreux Loups Gris violents. Photos MJ. Visuel Collectif VAN.
Cet épisode effrayant est suivi d’autres manifestations à Paris : la plus importante réunit 25.000 Turcs de France et d’Europe le 21 janvier 2012, pour « contester la pénalisation de la liberté d'expression ».
En matière de défense de la liberté d’expression, il s’agit en réalité de la liberté de nier le génocide arménien. Les associations turques sont vent debout contre la loi Boyer pénalisant la négation du génocide arménien, adoptée en décembre 2011 à l’Assemblée Nationale et en janvier 2012 au Sénat. Constantes de toutes ces manifestations in-situ ou on-line : la rhétorique sur le « soi-disant génocide arménien » ou « le mensonge international du génocide arménien », la victimisation (les Arméniens ne chercheraient qu’à nuire aux Turcs en inventant un génocide et ce, par islamophobie). Autres constantes : la présence menaçante des Loups Gris et celle du sinistre Comité Talaat Pacha : ce dernier est pour les Arméniens ce que serait pour les Juifs un Comité Adolf Hitler défilant à Paris ou s’exposant sur internet…
Les membres du Comité Talaat Pacha (principal instigateur du génocide arménien de 1915) devant le Mausolée d’Istanbul dédié à leur héros.
Par ailleurs, des actes de vandalisme sont régulièrement commis contre les monuments commémorant le génocide arménien à Paris, Marseille, Lyon, et ailleurs. Des conférences sur des thèmes du type « Génocide arménien : et si on vous avait menti ? » sont organisées par le COJEP (Conseil pour la Justice, l'Egalité et la Paix, proche de l’AKP) ou d’autres associations franco-turques, tandis qu’une myriade de sites et blogs francophones fournit clé en main une propagande négationniste, souvent écrite par des mercenaires français qui tentent de donner un vernis universitaire à la documentation officielle d’Ankara, et alimentent la haine contre les Arméniens, coupables de tous les maux. La tendance actuelle étant de prétendre que les Arméniens seraient antisémites et qu’ils « inventeraient » un génocide par jalousie envers les Juifs.
Par le biais de parlementaires acquis à la Turquie ou l’Azerbaïdjan, des conférences sont organisées dans le cadre de l’Assemblée nationale ou du Sénat, donnant la parole à des négationnistes notoires sous les ors de la République.
Ces derniers temps, l’inquiétude monte d’un cran chez les Français d’origine arménienne. Le 24 juillet 2020 à Décines, près de Lyon, une manifestation arménienne qui a lieu en présence des élus locaux, est attaquée par une cinquantaine de jeunes Franco-turcs. Ces derniers répondent à l’appel du jeune Ahmet Çetin, alors très actif sur les réseaux sociaux sous le pseudo @1francoturc. Armés de couteaux et barres de fer, les ultras s’en prennent à des magasins tenus par des Arméniens, et même aux CRS venus sécuriser le rassemblement officiel.
Arborant des T-shirts à l’effigie des Loups Gris et faisant avec les doigts le signe distinctif du groupe fasciste paramilitaire turc, ils hurlent les slogans « Nous ne connaissons pas la peur ! », « Nous sommes les soldats des montagnes », « Je suis le commando turc ! ».
Ils postent des vidéos sur Facebook, en expliquant « On va en zone de guerre avec nos flingues ». L’organisateur se filme au sein de cette manifestation où l’on vocifère : « Allahu Akbar », « On est chez eux » (« Chez eux » parce que Décines est appelée la « Petite Arménie »).
Ahmet Çetin précise ses objectifs dans une vidéo vue + de 13 000 fois : « Si le gouvernement [turc] nous donne 2000 €, s’il nous octroie un salaire et qu’il nous donne une arme, si vous comprenez ce que je veux dire, alors dans ce cas-là on ira dans toute la France, y a aucun problème ». Il continue : « faites ce que vous devez faire par vous-mêmes. Que chacun s’occupe de sa ville », « à Lyon, nous, on gère ».
Trois associations saisissent la justice (le CDCA, le CCAF et SOS Racisme). Leurs avocats qualifient ces propos de « négationnistes, prônant l’allégeance à l’Etat turc et professant la haine ».
Le 17 septembre 2020, à Bourg-en-Bresse, le franco-turc de 23 ans, marié et père de famille, comparaît pour "provocation publique à la violence ou à la haine raciale". Pour avoir appelé à user de violence envers les Arméniens de France, il n’écope le 5 novembre que de quatre mois de prison avec sursis.
Il n’est pas anodin de mentionner qu’à l’époque des faits pour lesquels il a été jugé, le jeune nationaliste s’affichait sur sa page Instagram, en train de se recueillir sur la tombe d’Abdullah Çatlı, mafieux turc et criminel fasciste notoire, ancien responsable en Turquie des Foyers idéalistes (nom officiel des Loups Gris), auteur ou organisateur de nombreuses exécutions politiques en Turquie et en Europe.
Légende photo : Le Franco-Turc Ahmet Çetin voue un culte à Abdullah Çatlı, criminel des Foyers idéalistes (Loups Gris)
Le 28 octobre 2020, tandis que l’Azerbaïdjan et la Turquie mènent de concert leur guerre à visée génocidaire contre l’enclave arménienne du Haut-Karabagh (Artsakh), une centaine de membres de la communauté arménienne de Drôme et d’Isère bloque de bon matin l’autoroute A7 au niveau du péage de Vienne pour alerter l’opinion publique sur les évènements dramatiques qui ont cours en Artsakh.
Tout est filmé en direct sur Facebook. On y voit, au sein du rassemblement statique, la soudaine intrusion de plusieurs individus, armés de couteaux et marteaux. Un jeune Arménien s’effondre, gravement blessé d'un coup de marteau à la tête. Les agresseurs – des pro-Erdogan comme on l’apprendra – sont désarmés rapidement par la foule en colère et s’en tirent à bon compte avec de gros cocards. Le jeune blessé arménien est, quant à lui, évacué par le SMUR, opéré deux fois à la tête, et hospitalisé plus d’une semaine.
Les agresseurs repoussés à une centaine de mètres, se filment appelant sur les réseaux sociaux leurs « frères » à la rescousse. La Page Facebook Nous les Turcs diffuse l’information en intervertissant grossièrement les faits : « Des turcs ont été attaqués lors d’une manifestation arménienne sur l’autoroute A7. Des actes de violences se succèdent au sein de la France suite au conflit du Haut-Karabakh. Un climat d’insécurité s’installe pour les Turcs et les Azéris suite au silence des français face aux actes. #Vienne »
Le soir même, le compte Twitter du Commissaire de police local lance une alerte : « à #Vienne, des #Turcs mènent une expédition punitive à la recherche d’#Armeniens, dans la ville. » Effectivement, 250 jeunes nationalistes turcs cherchent les Arméniens dans les rues de Vienne puis de Décines en hurlant « Ici c'est la Turquie », « Vous êtes où les Arméniens ? On est chez vous bande de fils de putes », « On va vous tuer » « Allahu Akbar », le tout en agitant moults drapeaux turcs et en formant le signe des Loups Gris avec les doigts.
Tweet du Commissaire de Police de Vienne le 28 octobre 2020
Tweet du Préfet du Rhône le 29 octobre 2020
Le 29 octobre, la LICRA fustige sur Twitter ces « véritables ‘pogroms’ contre des membres de la communauté arménienne » et annonce saisir la justice de ces agressions racistes. « Ces mouvements doivent être dissous ! » conclut-elle.
Photo : 28 octobre 2020, lors du blocage de l’A7, un jeune Arménien s’effondre, gravement blessé d'un coup de marteau à la tête assené par un fasciste pro-Erdogan.
Le 29 octobre au soir, les chasseurs d’Arméniens défilent cette fois à Dijon, hurlant « Allahu Akbar » alors que la France pleure les morts de l’odieux attentat islamiste perpétré le matin même dans la basilique Notre-Dame de Nice. Le dimanche 1er novembre, le Centre National de la Mémoire Arménienne et le Mémorial du génocide arménien de Décines sont profanés avec des inscriptions en jaune fluo à la gloire d’Erdogan, des Loups Gris, ou mentionnant « Nique Arménie ». Idem le 2 novembre, à Meyzieu.
Le 4 novembre 2020, le ministère de l’Intérieur annonce le Décret portant dissolution du groupement de fait Loups Gris. Pour la diaspora arménienne, confrontée à ce qu’elle ne pensait jamais devoir vivre sur le sol de la République française considérée comme un refuge sûr contre les velléités pogromistes, ce décret a le mérite de nommer les choses – à l’instar du décret présidentiel de 2019 faisant du 24 avril la journée de commémoration du génocide arménien - mais la dissolution des Loups Gris ne peut se résumer à un coup de communication : les ultra-nationalistes Bozkürt ou Ülkücü (noms turcs de cette mouvance) sont représentés au sein d’une myriade d’associations, telle la puissante Fransa Türk Federasyon (Fédération turque de France). Qu’attend-on pour appliquer ce décret ? Il ne peut pas, il ne doit pas, rester symbolique.
Lire aussi la Partie 2
« Loups Gris, haine en ligne, négationnisme en milieu scolaire, entrisme électoral : l’État turc agite ses relais en France » - PARTIE 2
Voir aussi :
Génocide arménien : 15000 manifestants d'origine turque à Paris (Le Parisien)
Liberté pour le Comité Talaat Pacha ? (Le Blog du Collectif VAN)
Chasse aux Arméniens en région lyonnaise : octobre 2020
Vienne :
https://twitter.com/manealx/status/1321558001484967942?s=20
https://twitter.com/SICPCommissaire/status/1321585754351566849?s=20
Décines :
https://twitter.com/KhadLernik/status/1321569494557433861?s=20
https://twitter.com/Collectif_VAN/status/1322831874293682176?s=20
https://twitter.com/KhadLernik/status/1321702527101030406/photo/1
Dijon :
https://twitter.com/PoliceSCSI/status/1321954050783518720?s=20
Décret :
https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=Tp--6RUxJBgMYB2vMCp2eMiBBOvFBquP8SLVDhQ4mrg=
Lire aussi la Partie 2
« Loups Gris, haine en ligne, négationnisme en milieu scolaire, entrisme électoral : l’État turc agite ses relais en France » - PARTIE 2
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home