Appel pour l'Artsakh
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org – Dans une tribune au « Monde », initiée par Stefan Kristensen, un collectif de plus de 40 intellectuels appelle la communauté internationale à reconnaître le droit à l’autodétermination des Arméniens face au « projet panturquiste » d’Ankara et de Bakou, afin de garantir la sécurité dans la région. Le Collectif VAN vous présente ci-dessous cet appel pour l'Artsakh paru dans le Monde le 27 octobre 2020.
Texte paru dans Le Monde daté du mardi 27 octobre 2020
Souhaitons-nous laisser exterminer les Arméniens du Karabagh ?
Depuis le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan, à l’instigation et avec le soutien très actif de la Turquie, a lancé une offensive militaire de grande envergure contre la République du Haut Karabagh. Son objectif est énoncé clairement : récupérer par la force non seulement les territoires conquis par les Arméniens en 1993-94, mais encore tout le Haut Karabagh. Le pouvoir azéri et son parrain et associé turc n’a jamais fait de secret à ce propos.
Pour ce faire, l’Azerbaïdjan a engagé l’ensemble de ses moyens militaires, aidé, conseillé et armé par la Turquie. C’est le projet panturquiste qu’il s’agit de réaliser, et pour cela effectuer la jonction entre la Turquie et l’Azerbaïdjan implique d’écraser les Arméniens. Ainsi, les Arméniens font face aujourd’hui non seulement à une guerre d’agression, mais à une tentative d’élimination. Ce n’est pas du spectre lointain du génocide de 1915 qu’il est question, mais de son avatar actuel, le projet d’extermination des Arméniens du Karabagh. Cela se passe en plein jour, sous nos yeux. La seule grande différence avec 1915, c’est que le Haut Karabagh et l’Arménie ont deux armées efficaces et bien entraînées, qui sont pour le moment en mesure de résister à l’agression.
Mais est-ce vraiment raisonnable de laisser ainsi seul un peuple d’à peine trois millions de personnes, enclavé, sous le feu de deux puissances étrangères plusieurs fois plus puissantes qu’elle ? Est-ce vraiment raisonnable de laisser à quelques milliers de jeunes hommes la charge de stopper l’impérialisme fasciste turco-azéri ? Il est assez étonnant que les milieux pour l’égalité et les droits de l’homme, contre le racisme et le fascisme, se mobilisent si peu et si faiblement. Loin d’être un épisode d’un conflit planétaire entre musulmans et chrétiens, il s’agit de la réactivation du projet panturc inauguré avec les Jeunes Turcs, fondateurs de la Turquie moderne, en 1915 ; cette perspective est utilisée par Erdogan pour mobiliser son opinion publique et pour engager ses mercenaires.
Ce qui est en jeu aujourd’hui est de stopper l’impérialisme panturquiste, qui est un grave danger pour la paix et la sécurité internationales. L’idéologie panturquiste, qui s’était développée sous le règne du Sultan Abdul Hamid II, est à l’œuvre dans la politique d’Erdogan. C’est au nom de cette idéologie que les Arméniens ont été éliminés de l’Anatolie orientale, puisqu’il s’agissait dans cette vision d’opérer la jonction territoriale des Turcs d’Asie Mineure avec ceux d’Azerbaïdjan et au-delà l’Asie Centrale. Cette continuité idéologique est évidente notamment lorsque des responsables turcs ou azéris affirment que la guerre cessera lorsque les Arméniens auront abandonné le Karabagh.
Il est temps enfin de libérer notre regard sur les Arméniens de la gangue des alliances internationales : la Turquie membre de l’OTAN et à ce titre dans le camp occidental, l’Arménie membre de l’OTSC et à ce titre dans le camp russe. Ce schéma n’est plus valable. Ce dont il s’agit ici, c’est d’un pays qui construit sa démocratie et qui développe collectivement sa souveraineté sur ses terres, et qui est agressé par une alliance étroite de deux pays (selon la formule désormais fameuse : « une nation deux Etats ») qui nient son droit.
Les Arméniens sont un peuple libre qui construit son destin collectif et démocratique chaque jour. Ces exemples méritent mieux qu’un silence gêné ; ils méritent un soutien actif plutôt que de s’abriter derrière l’intégrité territoriale des Etats constitués. Si Aliyev et Erdogan gagnent leur pari, il sera trop tard pour pleurer.
Nous, signataires de ce appel, gageons que la prise de conscience se répandra, mais que nous devons l’accélérer. Combien d’églises détruites faudra-t-il encore, après le bombardement mercredi 7 octobre de la Cathédrale de Chouchi ? Combien d’hôpitaux bombardés ? Combien de bombes à sous-munitions sur les infrastructures civiles ? L’opinion publique en France et dans le reste de l’Europe poussera, nous en sommes convaincus, les gouvernements à reconnaître le droit à l’autodétermination des Arméniens du Haut Karabagh, parce qu’elle aura compris que c’est une nécessité pour la sécurité et la paix en Europe et au Moyen Orient.
Nous dénonçons les crimes de guerre commis par les forces azéro-turques, dénonçons l’usage de miliciens djihadistes contre les Arméniens et appelons les pays occidentaux, Israël, la Russie et les États-Unis à cesser toutes ventes d’armes à l’Azerbaïdjan ; nous exigeons l’arrêt de l’élan impérialiste de la Turquie néo-ottomane. Nous demandons enfin que les Etats qui composent la communauté internationale fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour faire valoir le droit des peuples à l’autodétermination, aussi pour les Arméniens du Karabagh.
[texte paru dans Le Monde daté du mardi 27 octobre 2020]
Stefan Kristensen, à Strasbourg, le 11 octobre 2020
Avec (dans l’ordre alphabétique)
Herman Akdag, professeur d'informatique
Emmanuel Alloa, philosophe
Janine Altounian, écrivaine
Marc Amfreville, professeur de littérature
Estelle Amy de la Bretèque, anthropologue
Anne Elisabeth Andreassian, économiste
Stefano Arrigoni, médecin anesthésiste
Philippe Artières, historien
Astrig Atamian, historienne
Serge Avedikian, comédien et réalisateur
Vartan Azatyan, historien de l'art
Matthieu Baghdoyan, avocat
Michel Balard, historien
Renaud Barbaras, philosophe
Jean-Marc Bardet, mathématicien
Anna Barseghian, artiste
Janig Begoc, historienne de l’art
Krikor Beledian, écrivain
Laurence Belis, enseignante
Ridha Ben Hamza, professeur de droit
Vanik Berberian, président de l'association des maires ruraux de France
Rudolf Bernet, philosophe
Julie Billaud, anthropologue
Etienne Bimbenet, philosophe
Pascale Blayau, psychanalyste
Marianne Blidon, géographe
Béatrice Bloch, professeure de littérature
Anne Boissière, philosophe
Pierre Bonin, historien du droit
Jacques Bouchoux, économiste
Suat Bozkus, journaliste
Roland Breeur, philosophe
Stéphane Breton, ethnologue et cinéaste
Marc Breviglieri, sociologue
André Burguière, historien
Pierre-Antoine Chardel, sociologue et philosophe
Ronan de Calan, philosophe
Inès Cazalas, enseignante-chercheuse en littérature comparée
Frédéric Chauvaud, historien
David Chilstein, professeur de droit pénal
Eugénie Clément, doctorante en anthropologie
Yves Cohen, historien
Olga Collaone, psychologue
Philippe Comte, maître de conférences en littérature russe
Catherine Coquio, professeure de littérature
Ashot Danielian, entrepreneur
Olivier Delorme, historien et romancier
Yves Dermenjian, mathématicien
Anjel Dikme, écrivaine
Anaid Donabedian, linguiste
Olivier Douville, professeur de littérature
Annabelle Dufourcq, philosophe
Annie Duprat, historienne
Suren Erkman, économiste
Georges Y. Federman, psychiatre
Lucile Florenza, anthropologue
Vincent Fontana, historien
Luca Gabbiani, historien
Bernard Gainot, historien
Alexandra Galitzine, anthropologue
Vigen Galstyan, historien de l'art
Sévane Garibian, professeure de droit
Katrin Gattinger, artiste
Zin Gecer, écrivaine
Hervé Georgelin, historien
Hélène Gestern, écrivaine
Mher Ghazaryan, architecte
Jean-Christophe Goddard, philosophe
Gilda Guégamian Hadjian, artiste
Sara Guindani, philosophe
Ozgur Gun, économiste
Paul Hagiarian, consultant
Hovsep Hayreni, écrivain
Esther Heboyan, écrivaine et maîtresse de conférence en littérature américaine
Sophie Hohmann, maîtresse de conférences à l'INALCO, Paris
Jean-François Houle, doctorant en philosophie
Alain Hovnanian, généticien
Philippe Huneman, philosophe
Didier Icart, ami des Arméniens
Paulin Ismard, historien
Chantal Jacquet, philosophe
Annabelle Jacquemin-Guillaume, communicatrice
Vartan Jaloyan, écrivain
Servanne Jollivet, philosophe
Emmanuelle Kalfon, littérature anglaise
Nazareth Karoyan, critique d'art et commissaire d'exposition
Artavazd Katchatrian, pianiste
Jacques Kébadian, cinéaste
Laurent Kechkeguian, technicien aéronautique
Razmig Keucheyan, sociologue
Raymond Kevorkian, historien
Thénie Khatchatourov, artiste
Henri Krikorian, consultant en affaires internationales
Josepha Laroche, politologue
Jean-Christophe Lagarde, député de la Seine-Saint-Denis
Michèle Lardy, maîtresse de conférences en littérature anglaise
Jérôme Lèbre, philosophe
Cécile Lefèvre, sociologue
Bernard Legras, professeur d'histoire grecque
Emeric Lendjel, économiste
Martine Letrémy, économiste
Patrick Letrémy, informaticien
Ueli Leuenberger, ancien député à l'Assemblée nationale suisse
Laurent Leylekian, analyste politique
Pierre Litzler, professeur de design
Roland Lombardi, historien et géopolitologue
Nazan Maksudyan, historienne
Aram Mardirossian, professeur d'histoire du droit
Chaké Matossian, philosophe
Roger Merian, psychanalyste
Aude Merlin, politologue
Judith Michalet, philosophe
Catherine Mills, économiste
Sevan Minassian, psychiatre
Cristobal Montesinos, architecte
Claude Moutafian, historien
Alain Navarra de Borgia, historien de l'art et sociologue
Christine Neau-Leduc, professeure de droit
Aurélie Névot, ethno-anthropologue
Marc Nichanian, philosophe
Alexis Nuselovici, professeur de littérature
Dogan Özgüden, journaliste
Ismail Cem Özkan, caricaturiste
Erol Özkoray, écrivain
Luca Pattaroni, sociologue
Daniel Payot, philosophe
Frosa Pejoska, professeure de langue, littérature et civilisation macédonienne
Olivier Pekmezian, auteur-réalisateur
Patricia Pekmezian, comédienne
Bruno Pequignot, sociologue
Philippe de Peretti, économiste
Adrienne Petit, maître de conférences en littérature française
Roland Pfefferkorn, sociologue
Jean-Philippe Pierron, philosophe
Daniel Portugais, PRAG-docteur en Lettres
Pierre-Charles Pradier, économiste
Valéry Pratt, philosophe
Pascal Quillier, professeur de littérature générale et comparée
Julien Ravier, député des Bouches du Rhône
Jean Robert Raviot, professeur en études russes et post-soviétiques
Philippe Riutort, professeur en classes préparatoires
Dalita Roger Hacyan, maître de conférences en littérature anglaise
Jacob Rogozinski, philosophe
Sylvie Rosenfeldt, avocate
Marlyne Sahakian, sociologue
Isabelle Santiago, députée du Val-de-Marne
Varoujan Sirapian, directeur de la revue Europe & Orient
Nicholas Sowels, maître de conférences en anglais économique
Martin de la Soudière, ethnologue
Laurent Soulard, correcteur et secrétaire de rédaction
Özcan Soysal, enseignant
Michel Surya, écrivain
Engin Sustam, sociologue
Güngör Şenkal, écrivain
Elisabeth Taieb, professeure d'anglais
Ulla Taipale, artiste et curatrice
Taline Ter Minassian, historienne
Sylvain Tesson, écrivain
Sylvain Thévoz, député au Grand Conseil genevois
Benjamin Thomas, théoricien du cinéma
Roland Tomb, professeure de médecine
Myriam Tsikounas, historienne
Inci Tugsavul, journaliste
Ira Tzourou, historienne de l'art islamique et journaliste
Marc Vartabédian, psychiatre
Elena Violeau-Olzoeva, professeur de russe
Nicolas Warembourg, professeur de droit
Karole Willems, cheffe d'entreprise
Lorrys Willems, consultant informatique
Levon Yagdjian, spécialiste IT
Tigrane Yegavian, journaliste et essayiste
Contact: <sk@appelpourlartsakh.org> (Stefan Kristensen)
https://www.appelpourlartsakh.org/?fbclid=IwAR2aaR0Yqt63K_fp1R_R01aPgS_rSiznru18Y6qMbDnx1_m0MB6FdImKfyM
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home