Presse arménienne : Revue du 25 au 26 février 2021
Info Collectif VAN - collectifvan.blogspot.com - Le Collectif VAN vous présente cette Revue de Presse parue sur le site de l'Ambassade de France en Arménie le 28 février 2021.
Ambassade de France en Arménie
Revue de la presse arménienne du 25 au 26 février 2021
Déclaration de l'état-major de l'armée arménienne demandant la démission de Pachinian/ Le 25 février au matin, l'état-major de l'armée arménienne a demandé la démission du Premier ministre et de son gouvernement. Dans une déclaration signée par 41 hauts gradés, l'état-major général des forces armées arméniennes a exprimé sa forte désapprobation quant au licenciement par Pachinian de Tiran Khacharyan, le premier chef adjoint de l'état-major général qui, selon la déclaration, a été licencié sans prendre en compte les intérêts nationaux-étatiques et uniquement sur des sentiments personnels et ambitieux. Ce dernier avait plus tôt critiqué les déclarations du Premier ministre sur les tirs d’« Iskander » non explosés (cf. revue du 24 février 2021). « Dans des conditions aussi difficiles pour le pays, une telle décision est une démarche antiétatique et irresponsable. Le Premier ministre de la République d'Arménie, le gouvernement, ne sont plus en mesure de prendre des décisions adéquates dans cette situation critique et fatale pour le peuple arménien. Pendant longtemps, les forces armées de la RA ont patiemment toléré les «attaques» par le gouvernement actuel visant à discréditer les forces armées, mais tout a ses limites ». « Une gouvernance inefficace des autorités actuelles et de graves erreurs de politique étrangère ont conduit le pays au bord de l'effondrement. En raison de la situation actuelle, les forces armées de la RA exigent la démission du Premier ministre de la RA et du gouvernement, tout en mettant en garde de ne pas utiliser la force contre les personnes dont les enfants sont morts en défendant la patrie et le Karabakh. L'armée a toujours été avec le peuple, comme le peuple l'a été avec l'armée ». Dans une déclaration séparée publiée plus tard dans la journée, l'état-major a noté que leur déclaration n'était faite sous la pression de personne.
Réaction de Pachinian/ Nikol Pachinian a qualifié la déclaration de l'état-major de « tentative de coup d'État militaire » et a annoncé un rassemblement de ses partisans sur la place de la République. Il a aussi annoncé le licenciement du chef de l'état-major général, Onik Gasparyan. Pendant le rassemblement, Pachinian a ordonné aux militaires de faire leur devoir, à savoir protéger les frontières d’Arménie et son intégralité territoriale, et ne pas s’impliquer dans un processus politique. D’après Pachinian, l’armée doit seulement obéir au peuple et au gouvernement du peuple. Pachinian a déclaré que certaines personnes avaient essayé d’impliquer l’armée dans un processus « antinational, anticonstitutionnel ». Selon lui, beaucoup d’officiers ont signé cette déclaration sur l’ordre de leur hiérarchie. Selon Pachinian, les anciennes autorités « qui se sont enrichies pendant des années sur le compte de l’armée », ont leurs partisans au sein de l’armée qui leur obéissent et ces partisans doivent donc partir. Pachinian a également accusé l’alliance de l’opposition d’avoir tenté de pousser l’armée à renverser le pouvoir pendant la guerre. Selon lui, l’opposition l’accuse d’avoir cédé des territoires, alors que Serge Sarkissian a dit à plusieurs reprises qu’il était d’accord pour céder les régions du Karabakh [signer l’accord de Kazan]. Pachinian a déclaré que toutes les tentatives de déstabiliser le pays, de faire une guerre civile devraient être arrêtées par les forces de l’ordre. Selon lui, il a déjà pensé s’il devait démissionner après la guerre, mais il se serait dit que c’est le peuple qui l’avait mis sur ce poste et que c’était donc au peuple de décider de sa démission. D’après lui, il a proposé à l’opposition de tenir des élections pour que le peuple puisse réaffirmer sa volonté, mais l’opposition a rejeté sa proposition. Pachinian a déclaré que c’était au peuple de décider de son sort et que si nécessaire, le peuple pouvait le « fusiller sur la Place de la République ». Il a rejeté les rumeurs selon lesquelles sa famille et lui veulent fuir le pays. Lors de son discours, Pachinian a accusé les juges, les fonctionnaires d’État d’avoir « attaqué le gouvernement de dos » : « ils rêvaient de la défaite dans la guerre pour venir prendre le pouvoir ». Selon lui, la raison de la défaite est ceux qui ont « volé au peuple » pendant des années. Quant au licenciement du chef d’État major, selon Pachinian, si le Président ne le signe pas, « cela ne voudrait pas-t-il dire qu’il se joint au coup d’État ? ». Pachinian a déclaré regretter d’avoir fait confiance au chef d’Etat-major. Selon le Premier ministre, le chef d’État major devrait démissionner et les forces politiques devraient venir tenir des consultations avec les autorités. Lors du rassemblement, Pachinian a demandé aux quelques milliers de personnes qui étaient sur la Place de la République si elles étaient contre les élections élections anticipées. La foule a chanté « oui ». Il a donc déclaré que l’Arménie était une démocratie et que la volonté du peuple devrait être réalisée. « Je voulais relancer ma proposition de tenir des élections, mais je ne peux pas changer votre avis [avis de la foule qui vient de dire non] ». Selon le Premier ministre, après le rassemblement sur la place de la République, la position du peuple est devenue claire pour lui. « Nous arrêtons les protestations à partir de ce moment et demandons à nos collègues de l'opposition de faire de même et de venir à la table des négociations avec nous » a déclaré Pachinian. Il a également déclaré qu’ « il n’y aura plus de velours [approche douce, comme dans sa révolution de velours de 2018] ». L'opposition qui tenait une manifestation en parelle sur la place de la Liberté a, à son tour, déclaré que la seule chose dont elle était prête à discuter avec Pachinian était sa démission. L’opposition a planté des tentes devant le Parlement où elle a passé la nuit. Elle a annoncé tenir des manifestations le 26 pour forcer le parlement à lever la loi martiale qui est en vigueur dans le pays. Selon la presse, 3000-4000 personnes auraient participé au rassemblement de Pachinian dont la moitié seraient les forces d’ordre et les journalistes. La presse proche de l’opposition a également allégué que des fonctionnaires publics et les employés des hommes d’affaires proches de Pachinian auraient été contraints à se rendre à la manifestation progouvernementale.
Le Ministère de la Défense a réagi à la déclaration d’état major/ « Les forces armées de la République d'Arménie protègent pleinement les frontières de notre patrie et assurent sa sécurité. L'armée est une structure apolitique, toute tentative d'impliquer les forces armées dans tout processus politique est inadmissible. Chaque telle tentative menace la stabilité et la sécurité de la République d'Arménie. Le ministère de la Défense répondra de manière appropriée à une telle action ».
Le Président n’a pas encore signé le licenciement du chef de l'état-major/ Le document de licenciement du chef de l’état-major n'a pas encore été signé par le Président. Selon la Constitution, il dispose de trois jours pour prendre une décision, et s'il ne le signe pas, il doit soit faire appel devant la Cour constitutionnelle, soit l'ordre du Premier ministre prendra effet. S'il fait appel devant la Cour constitutionnelle, le tribunal principal devra prendre une décision dans les 5 jours. Donc la loi prévoit un délai maximum de 8 jours pour résoudre cette question. La Présidence a publié une déclaration notant que dans la situation actuelle la révocation du chef de l'état-major général des forces armées n'était pas un simple remaniement du personnel. L'administration présidentielle a signalé également que « toute tentative de faire pression sur le président est inacceptable. Le Président ne soutient aucune force politique, n'en a jamais soutenu et n’en soutiendra pas ». Selon la déclaration, le Président attache de l'importance au maintien d'un climat de stabilité et de tolérance dans le pays et continuera à tout faire dans ce sens, étant convaincu que les problèmes doivent être résolus par le dialogue et non par la confrontation. Le Président a également publié un message séparé déclarant que le pays s’était retrouvé « dans une situation extrêmement explosive, qui peut avoir des conséquences imprévisibles pour notre État et peut entraîner des pertes irréversibles ». « Le danger extérieur est réel: une déclaration de cessez-le-feu n’est pas un traité de paix ». Il a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue, de bon sens, à ne pas céder aux provocations, à s'abstenir d'appeler à la haine et à l'intolérance. « Notre peuple ne peut pas se permettre de se diviser, toute tentative de déstabilisation ou de mise en danger de l'État doit être rejetée ». Le coordinateur de l’alliance de l'opposition, le Dachnak Gegham Manukyan a déclaré que l'opposition enverra une délégation au Président pour discuter de la situation dans le pays. Selon lui, l’opposition a l'intention de persuader Armen Sarkissian de se ranger du côté du chef de l'état-major général des forces armées, Onik Gasparyan.
Pachinian, Ayvazyan et Harutyunyan ont eu des entretiens téléphoniques avec leur homologues russes/ Nikol Pachinian et le Président russe, Vladimir Poutine, ont discuté par téléphone de la situation en Arménie. « La situation dans la république a été discutée. Vladimir Poutine s'est prononcé en faveur du maintien de l'ordre et du calme en Arménie et de la résolution de la situation dans le cadre de la loi. Le chef de l'État russe a exhorté toutes les parties à faire preuve de retenue » dit le communiqué du Kremlin. Le porte-parole de Poutine a noté que la conversation téléphonique a eu lieu à l'initiative de la partie arménienne. La presse note que dans le communiqué arménien sur l’entretien téléphonique, il est noté que « Le Président Poutine a exprimé son soutien aux autorités légitimes d'Arménie et a exprimé l'espoir d'une normalisation rapide de la situation ». La presse se demande donc si la partie arménienne n’a pas déformé les propos de Poutine pour laisser l’impression que ce dernier soutient Pachinian. A l'initiative de la partie russe, une conversation téléphonique a eu lieu entre le Ministre arménien de la Défense, Vagharshak Harutyunyan, et son homologue russe, Sergey Shoygu. Selon le communiqué, les interlocuteurs ont discuté de la situation créée en Arménie et ont aussi évoqué les questions relatives à la mission russe de maintien de la paix au Karabakh. Le Ministre arménien des Affaires étrangères, Ara Ayvazyan, a eu une conversation téléphonique avec son homologue russe et l’a informé des développements en Arménie. La partie russe a souligné qu'elle considérait la situation comme une affaire intérieure de l'Arménie et qu'elle comptait sur une résolution pacifique de la situation en Arménie.
Ministère russe de la défense: les missiles « Iskander » n'ont pas été utilisé au Karabakh/ La presse rend compte de la déclaration du Ministère russe de la défense: « Le ministère russe de la défense a été perplexe et surpris de lire la déclaration du Premier ministre Nikol Pachinian qui a déclaré que les missiles Iskander utilisés par les forces armées arméniennes dans le Haut-Karabakh « n'ont pas explosé ou n'ont explosé que de 10% ». Selon les informations objectives et fiables dont nous disposons, y compris confirmées par le système de contrôle objectif, aucun des systèmes de missiles de ce type n'a été utilisé pendant le conflit du Haut-Karabakh ». « Apparemment, le Premier ministre de la République d'Arménie, M. Nikol Pachinian, a été induit en erreur, ce qui l'a conduit à utiliser des informations inexactes » a déclaré le Ministère russe.
L'église demande que la situation soit résolue à la table des négociations/ L'Église apostolique arménienne a déclaré suivre avec une profonde inquiétude l'évolution des processus internes. L'Église a exhorté le Président, le Premier ministre, les membres du gouvernement et les chefs des forces politiques à chercher des moyens de résoudre la situation par la négociation.
Réaction de l’opposition/ L'alliance des partis d’opposition et les partis même ont publié des déclarations saluant la déclaration de l’état-major, condamnant la réaction de Pachinian qui, selon eux, essaye de créer une guerre civile. Les partis d’opposition ont aussi appelé les forces d’ordre et leur partisans à s'unir autour des forces armées, à faire preuve de retenue et à ne pas céder aux provocations. Le deuxième Président, Robert Kocharyan, a exhorté le peuple arménien à « devenir maître de son État » en se tenant aux côtés des forces armées. Selon lui, les autorités qui ont perdu la guerre et qui ont cédé la terre doivent partir et « c'est la garantie qui est nécessaire à notre renaissance nationale ». Le parti « Arménie prospère » a aussi appelé toutes les structures de force à ne pas se lancer contre leur propre peuple, à « ne pas devenir un instrument pour garder le pouvoir d'une seule personne ». L’ancien parti au pouvoir « Républicain » a déclaré que « les autorités capitulantes tentent de provoquer des affrontements civils dans le cadre de leurs efforts conspirateurs pour démanteler l'Arménie ». Le Bureau des Dachnak, condamnant les autorités pour la situation créée par leur responsabilité, a appelé ces dernières à s'abstenir d'aggraver la situation : « Agir uniquement dans le cadre de l'État de droit et de la démocratie, écouter les voix du public, des forces de l'opposition, ainsi que les voix d'autres sections du public qui ont fait la même demande auparavant, et démissionner de ses fonctions sans retard ».
Le groupe parlementaire au pouvoir « Mon pas » a réitéré son soutien au Premier ministre/ « Cette mesure anticonstitutionnelle vise à s'emparer du pouvoir du peuple et à soumettre l'État à des troubles en cette période fragile de l'après-guerre, qui est également marquée par des menaces extérieures pour la sécurité. Il est regrettable que les personnes responsables de la sécurité du pays affichent délibérément un comportement irresponsable » indique la déclaration du parti au pouvoir.
Autres réactions/ Les forces de l’ordre comme la Police, le Service de sécurité nationale et le Comité d’enquête ont, à leur tour, fait des déclarations appelant les citoyens à ne pas s'engager dans des actions de provocation, à maintenir l'ordre public. L’Ombudsman arménien, Arman Tatoyan, a fait une déclaration, notant que tout développement qui augmentait les tensions devait être évité. « Les autorités, en premier lieu les forces de l'ordre, sont tenues de se laisser guider exclusivement par l'État de droit et d'assurer strictement la protection des droits de l'homme dans le pays » a déclaré l’Ombudsman. Le Président de facto du Karabakh, Arayik Harutyunyan, qui se trouvait à Erevan a proposé de servir de médiateur entre Pachinian et l'état-major général. Selon son attachée de presse, il a en effet rencontré Gasparyan le 25 au soir en tant qu’intermédiaire. Le bureau du procureur général a nié l’information sur les arrestations de généraux qui ont signé la déclaration. Selon SpoutnikArmenia, la question de l'arrestation des généraux aurait toutefois été discutée dans l'agence.
Réactions étrangères/ La presse arménienne cite la déclaration du ministre turc des Affaires étrangères Çavuşoğlu selon laquelle Ankara condamne la tentative de coup d'État en Arménie. L’opposition n’a pas manqué de mentionner cette déclaration pour affirmer que « Pachinian est soutenu par la Turquie ». La presse cite une déclaration du porte-parole de la politique étrangère de l'UE, Peter Stano selon laquelle « Les différends politiques doivent être résolus pacifiquement et dans le strict respect des principes et des processus de la démocratie parlementaire. Conformément à la Constitution arménienne, les forces armées « maintiennent leur neutralité en matière politique et sont sous contrôle civil ». Le maintien de l'ordre démocratique et constitutionnel est le seul moyen pour l'Arménie de relever efficacement les défis auxquels elle est confrontée ». Le porte-parole du Département d'État américain, Ned Price, a commenté les développements en Arménie en exhortant « toutes les parties à faire preuve de retenue et à éviter toute escalade ou action violente ». « Nous rappelons à tous les partis le principe démocratique fondamental selon lequel les forces armées des États ne doivent pas intervenir dans la politique intérieure. Les États-Unis ont toujours soutenu le développement des processus et des institutions démocratiques en Arménie. Nous continuons à soutenir la démocratie et la souveraineté de l'Arménie, et nous demandons instamment à ses dirigeants de résoudre leurs différends de manière pacifique tout en respectant l'État de droit, la démocratie de l'Arménie et ses institutions ». Dans un tweet, la présidente en exercice de l'OSCE, Ann Linde, s’est dite préoccupée par les derniers développements en Arménie : « Je demande instamment à toutes les parties d'agir pacifiquement dans le respect des engagements de l'OSCE concernant les processus démocratiques et l'État de droit. La situation doit être résolue sans violence ».
Rédaction : Lena Gyulkhasyan
https://am.ambafrance.org/-Fevrier-2021-
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